MA VIE EST SI BANALE…

13 Oct 2020

« Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie » André Malraux

Oui, et je vous rassure la mienne aussi…

Certaines personnes aimeraient bien offrir une biographie à leurs parents âgés, mais sentent bien une certaine réticence de nos aînés à parler d’eux. J’aime bien l’expression d’une amie me disant : « Comment ne pas mettre la personne âgée dans l’embarras de parler d’elle-même ? »

Ne pourrait-on voir là une certaine peur devant l’immensité ? Une sorte de gouffre qui s’ouvrirait si l’on commençait à parler de soi. Que dire, comment trier ses souvenirs, comment faire la part des choses entre l’essentiel et les petits moments de la vie ?

Nous apprend-on vraiment d’ailleurs à parler de soi ?

C’est bien là le cœur de mon activité. Essayer de montrer qu’aucune vie n’est banale. Toute vie est une vie. Et même si on passe tous par les mêmes étapes, de l’enfance à l’adolescence puis à notre vie d’adulte, aucune vie ne ressemble à une autre. On a beau être de la même fratrie, du même village, de la même culture, ce que vivra Madeleine n’aura rien à voir avec ce que vivra Augustine. Chacune connaîtra de grandes joies et de grandes peines, mais personne ne saura comment ces émotions résonnent au fond d’elles si elles ne le disent pas. Chacune est riche de tout cela.

On a tous notre jardin secret et il est très important de le conserver. C’est notre intimité, là où personne ne nous rejoint et où nous sommes libres. Bien loin de là, où la société et les réseaux sociaux voudraient nous emmener. Se raconter, transmettre, partager, témoigner ne veut aucunement dire se mettre à nu et tout confier. Chacun est libre de dire uniquement ce qu’il a envie de dire. Mais, s’il y a une chose dont je suis sûre, c’est que lorsque l’on franchit le pas et qu’on ose une parole, alors celle-ci se libère très facilement. Et on se surprend soi-même à avoir tant de choses à partager. Un souvenir en amène un autre, un détail en fait surgir en deuxième, un petit rien nous ramène en arrière. Cette remontée dans le temps ne doit être ni douloureuse ni pesante. On peut évoquer les moments difficiles sans se laisser submerger. Ce peut être juste des allusions, des évocations de ce qui fut et qui n’a pas été facile à traverser. Les bons et les mauvais moments de la vie nous constituent, ils sont notre ADN. En revanche, se remémorer les moments éclatants de notre vie fait tellement de bien.

Dans un climat de bienveillance et de non-jugement, la parole permet de se retourner sur soi et de se dire : « Je suis donc cette personne-là. Avec ses imperfections et ses doutes. Avec sa magnificence et sa force. Avec cette vie certes pas toujours rose, mais embellie par ce que j’y ai mis de moi. Oui, je peux être fière du chemin parcouru, de toutes les fois où je me suis relevée, où j’ai tenu bon, où j’ai gardé le cap. Et je suis heureuse aujourd’hui de pouvoir témoigner de ce parcours à mes enfants et petits-enfants. »