Ce matin, j’ai remis un livre au mari d’une femme que j’ai accompagnée dans le cadre de la biographie hospitalière.
Cette femme avait 38 ans et je me souviendrai longtemps de notre rencontre. Lorsque je lui ai proposé de se raconter alors qu’elle était hospitalisée, sa première réaction a été de verser quelques larmes. Elle savait que le temps lui était compté et a perçu, je pense, instantanément, l’importance des mots qu’elle pourrait laisser à ses deux enfants. Oui, mais c’était sans compter sur l’immense fatigue qu’elle ressentait, sur son chagrin de ne pas voir ses enfants grandir, sur la vie qui est parfois injuste. Nous nous sommes vues trois fois. Ce n’est que la troisième fois que les mots ont pu sortir. Les deux premières fois, je suis restée près d’elle en silence avec son accord. L’accompagnement passe aussi par une présence silencieuse prête à accueillir ce qui vient.
Le livre déposé ce matin dans les mains de son mari n’est pas épais. Et pourtant… ces quelques mots sur son enfance, sa vie de jeune adulte, ses passions, la rencontre avec son mari et l’arrivée des enfants seront sans doute un baume léger sur leur chagrin. Je lui avais promis de faire un livre de cet unique entretien. Il est magnifié par quelques photos d’elle avec sa famille.
Avant de l’offrir à son mari, nous avons pris le temps d’échanger à la cafeteria du Centre hospitalier de Nantes. Il m’a parlé de leur rencontre, de leur vie de famille, de l’annonce de la maladie, du décès, de son chagrin, de ses enfants. L’émotion était là, palpable. Nous avons pris le temps. J’ai pu lui parler de ma rencontre avec sa femme, de ce que nous avons vécu.
Puis je lui ai donné le livre. Il est reparti avec les mots de sa femme, ce qu’elle a eu envie de dire d’elle. Je sais qu’elle aurait aimé en dire tellement plus et j’ai pu le dire à son mari.
Mon métier de biographe hospitalière est riche de toutes ces rencontres. Il ne s’arrête pas au décès de la personne que j’accompagne. Il prend soin aussi des vivants.